Cloudflare alerte sur le déséquilibre entre crawl et traffic des IA

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Cloudflare signale un déséquilibre alarmant des crawlers IA
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Le 29 août 2025, Cloudflare a publié une étude détaillant des déséquilibres majeurs entre l’exploration des contenus par les plateformes d’IA et le trafic de référencement renvoyé aux éditeurs. Les données montrent que les crawlers IA effectuent jusqu’à 38 000 explorations pour chaque clic de référencement, tandis que le trafic organique de Google chute de plus de 10 % sur plusieurs mois. Face à cette dynamique, les éditeurs cherchent à instaurer des mécanismes de monétisation et de contrôle afin de protéger leurs ressources et leurs revenus.


À retenir

  • Les ratios d’exploration IA / référencement ont atteint 38 000 : 1 pour Anthropic en juillet 2025.
  • Le trafic de référencement Google a diminué de 9 % en mars et de 15 % en avril 2025.
  • Cloudflare a lancé le service « pay‑per‑crawl » le 1 juillet 2025, introduisant le code HTTP 402.
  • Les coûts de bande passante liés aux crawlers IA peuvent dépasser 1 200 € par mois pour des petits sites.
  • Les initiatives de l’IAB Tech Lab visent à standardiser les licences IA et à réduire les frictions juridiques.

L’équilibre perturbé entre exploration IA et référencement des éditeurs

Les chiffres publiés par Cloudflare révèlent un déséquilibre croissant qui menace la visibilité des créateurs de contenu.

Analyse des ratios d’exploration révélés par Cloudflare

Entre janvier et juillet 2025, Anthropic a exploré 38 000 pages pour chaque page référée, soit le ratio le plus élevé du secteur. Ce chiffre représente une baisse de 87 % par rapport à janvier 2025, où le ratio était de 286 930 : 1. OpenAI a maintenu un ratio de 1 091 explorations / référencement, tandis que Perplexity a vu son intensité passer de 54 à 195 explorations par référencement, soit une hausse de 256,7 %.

Les acteurs plus stables, comme Microsoft, ont oscillé entre 38,5 et 45,1 explorations par référencement, et Google a affiché une volatilité de 3,8 à 22,5 avant de se stabiliser à 5,4 en juillet. Ces ratios traduisent une activité d’exploration liée à l’entraînement qui représente près de 80 % de l’ensemble des actions des bots IA, contre 72 % l’an passé.

Évolution des comportements des bots IA entre janvier et juillet 2025

Le trafic global des crawlers IA et de recherche a progressé de 32 % d’une année sur l’autre en avril 2025, avant de se modérer à 4 % en juillet. La part de marché des crawlers IA a également changé : GPTBot (OpenAI) est passé de 4,7 % à 11,7 % en un an, ClaudeBot (Anthropic) a atteint près de 10 %, et le crawler de Meta a bondi de 0,9 % à 7,5 %.

À l’inverse, Bytespider (ByteDance) a chuté de 14,1 % à 2,4 % et Amazonbot de 10,2 % à 5,9 %. Cette redistribution reflète une concentration accrue des capacités d’exploration au sein de quelques acteurs majeurs.

Conséquences sur l’activité globale des crawlers IA

En juillet 2025, l’exploration liée à la recherche ne représentait plus que 18 % du total, tandis que les actions initiées par l’utilisateur ne dépassaient que 2 %. Cette configuration montre que la majeure partie du trafic IA sert à nourrir les modèles d’entraînement, sans générer de clics ou de visites vers les sites d’origine.

Le déséquilibre crée une tension économique : les éditeurs voient leurs serveurs sollicités de façon intensive, alors que les retours de trafic restent limités.

Impact économique du déséquilibre sur le trafic web français et européen

Les variations de trafic observées en 2025 affectent directement les modèles de revenu des médias francophones.

Chute du trafic de référencement Google et montée du zero‑click

Les sites d’actualités ont constaté une baisse de 9 % du trafic de référencement en mars 2025 par rapport à janvier, puis une chute de 15 % en avril. La médiane annuelle des déclins pour les mois de mai et juin s’est établie à -10 %, avec -7 % pour les marques d’actualité et -14 % pour les sites non actualités.

L’intégration de Gemini 2.0 dans les AI Overviews de Google en mars, suivie du lancement d’AI Mode avec Gemini 2.5 en mai, a conduit le nombre de recherches sans clic à passer de 56 % à 69 %. Cette évolution, qualifiée de « zero‑click search », réduit encore davantage les opportunités de monétisation via les publicités classiques.

Pressions budgétaires sur les éditeurs et exemples de mitigation

Les coûts de serveur et de bande passante augmentent avec l’intensité des crawlers IA. Le projet « Read the Docs » a limité son trafic de 75 % en bloquant les bots, économisant environ 1 500 $ par mois, soit ≈ 1 280 € après conversion. Un petit miroir Kiwix personnel hébergé dans le Kentucky a dû faire face à d’importantes demandes de bande passante, entraînant des surcoûts non négligeables.

Ces mesures illustrent la nécessité pour les éditeurs de mettre en place des filtres techniques afin de maîtriser leurs dépenses tout en préservant l’accès légitime des moteurs de recherche.

Risque de dégradation de la qualité du contenu

Lorsque les IA extraient du texte sans renvoyer de trafic, les incitations à produire du contenu de haute qualité peuvent diminuer. Les éditeurs qui voient leurs investissements se dissiper en coûts d’infrastructure sans bénéfice de visibilité risquent de réduire leurs équipes éditoriales.

À long terme, une diminution de la diversité du contenu pourrait affecter la richesse des jeux de données d’entraînement, créant un cercle vicieux pour la performance des modèles d’IA.

Réponses techniques et réglementaires des éditeurs

Pour rétablir un équilibre, plusieurs acteurs ont mis en place des solutions tant techniques que juridiques.

Solutions pay‑per‑crawl de Cloudflare et alternatives

Le 1 juillet 2025, Cloudflare a lancé le service « pay‑per‑crawl », qui autorise les éditeurs à facturer les entreprises d’IA via le code HTTP 402 « Payment Required ». Trois options sont proposées : accès gratuit, tarification configurée ou blocage total. Cette approche donne aux sites la possibilité de monétiser chaque requête d’exploration, transformant une charge en source de revenu.

Des alternatives, comme les restrictions via le fichier robots.txt ou la directive nosnippet dans la balise meta, offrent des contrôles plus simples mais ne permettent pas de percevoir de compensation financière directe.

Initiatives sectorielles de l’IAB Tech Lab et nouvelles balises meta

En juillet 2025, l’IAB Tech Lab a réuni plus de 80 dirigeants de médias pour discuter d’une licence standardisée destinée aux crawlers IA. Le résultat attendu est un cadre contractuel permettant aux éditeurs d’imposer des conditions de licence claires, tout en facilitant l’accès légitime aux moteurs de recherche.

Le 5 mars 2025, Google a mis à jour sa documentation sur la balise meta robots, introduisant le paramètre nosnippet qui empêche l’utilisation du contenu dans les réponses générées par l’IA. Cette évolution donne aux éditeurs un levier supplémentaire pour contrôler l’exploitation de leurs pages dans les AI Overviews.

Enjeux juridiques autour de l’usage équitable et de l’authentification

Le 30 août 2025, Anthropic a réglé une poursuite pour violation de droits d’auteur, le juge estimant que l’utilisation de matériel protégé à des fins d’entraînement peut constituer un « usage équitable », mais que les méthodes d’acquisition illégales restent une infraction. Cette décision souligne la complexité du cadre juridique actuel.

Par ailleurs, l’absence de protocoles de vérification robustes rend difficile la différenciation entre les crawlers légitimes et les tentatives de spoofing. Le protocole WebBotAuth, basé sur des signatures cryptographiques, reste peu adopté, limitant son efficacité à grande échelle.

Avenir de la monétisation du contenu à l’ère de l’IA

Les tendances observées laissent entrevoir une transformation profonde des modèles économiques du web.

Modèles économiques émergents et défis de mise en œuvre

Des programmes d’abonnement comme « Comet Plus » de Perplexity, lancé le 25 août 2025, visent à reverser 80 % des revenus aux éditeurs dont le contenu est utilisé. Ce modèle propose une compensation directe, mais nécessite une infrastructure de suivi et de paiement fiable.

Les solutions pay‑per‑crawl, les licences IA standardisées et les accords de partage de revenus restent confrontés à des défis techniques (identification des requêtes) et juridiques (définition du périmètre d’usage).

Rôle des licences IA dans la durabilité du web

Le cadre proposé par l’IAB Tech Lab pourrait instaurer un marché des licences où les entreprises d’IA paient pour accéder à des ensembles de données de qualité. Un tel système encouragerait les éditeurs à investir davantage dans la production de contenus originaux, améliorant ainsi la richesse des données d’entraînement.

Pour les petites maisons d’édition, la mise en place d’une licence viable nécessite toutefois des ressources pour négocier les termes et suivre les paiements, ce qui constitue un frein potentiel.

Scénarios de coopération durable entre IA et créateurs

Deux trajectoires se dessinent : d’une part, une coopération où les IA paient pour l’accès aux contenus, garantissant des flux de revenu récurrents pour les éditeurs ; d’autre part, un web de plus en plus cloisonné, où les éditeurs érigeant des paywalls et des restrictions pour protéger leurs ressources, réduisant la disponibilité des données pour l’entraînement.

Le PDG de Cloudflare, Matthew Prince, a souligné que les créateurs souhaitent davantage d’autonomie que de simple visibilité sur les crawlers IA. Une régulation claire et des standards techniques pourraient permettre d’atteindre un équilibre où les modèles d’IA bénéficient d’un accès légal et rémunéré, tout en maintenant la diversité et la qualité du contenu disponible sur le web.


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