OpenAI et Broadcom viennent de sceller un partenariat historique de 10 milliards de dollars pour développer une puce IA sur mesure, marquant une étape clé vers l’autonomie technologique des géants de l’intelligence artificielle. Prévue pour 2026, cette puce (parfois appelée XPU « Titan ») vise à réduire la dépendance aux GPU de Nvidia, tout en optimisant les coûts et les performances pour des modèles comme GPT-5. Une manœuvre qui pourrait rebattre les cartes d’un marché des semi-conducteurs en pleine mutation, entre souveraineté computationnelle et guerre des écosystèmes.
À retenir
- Un partenariat de 10 milliards de dollars entre OpenAI et Broadcom pour une puce IA sur mesure, fabriquée par TSMC et prévue pour 2026.
- Objectif : réduire la dépendance aux GPU de Nvidia, qui représentent 70 % des dépenses d’infrastructure IA en 2024, et maîtriser les coûts opérationnels (pertes de 5 milliards de dollars en 2024 pour OpenAI).
- Gains attendus : réduction des coûts de 25 à 35 %, performances multipliées par 2, et latence divisée par 3 à 5 par rapport aux GPU génériques.
- Contexte concurrentiel : Google (TPU), Meta (ASIC), Amazon (Inferentia) et Microsoft développent aussi leurs puces, fragmentant un marché dominé à 90 % par Nvidia pour l’entraînement IA.
- Enjeu géopolitique : recherche d’une souveraineté computationnelle face aux tensions sur les semi-conducteurs et aux contrôles à l’exportation.
OpenAI et Broadcom : une alliance à 10 milliards pour briser le monopole des GPU
Le développement d’une puce IA interne par OpenAI, en collaboration avec Broadcom et TSMC, s’inscrit dans une stratégie d’indépendance technologique face à la domination de Nvidia. Ce projet, lancé début 2024 et budgétisé à 10 milliards de dollars, doit aboutir en 2026 à un processeur optimisé pour l’inférence générative et l’entraînement distribué des modèles comme GPT-5. Contrairement aux rumeurs, cette puce (parfois désignée sous le nom de code « Titan ») ne sera pas commercialisée, mais réservée aux infrastructures internes d’OpenAI.
Un partenariat technologique et financier sans précédent
Broadcom, spécialiste des solutions semi-conducteurs pour les centres de données, a confirmé via son PDG Hock Tan un contrat majeur avec un client non nommé, largement identifié comme OpenAI. Ce partenariat doit générer pour Broadcom une croissance significative de ses revenus liés à l’IA dès 2026, avec une production confiée à TSMC, leader mondial de la fabrication de puces en 3 nm. OpenAI a parallèlement renforcé son équipe dédiée aux semi-conducteurs, recrutant des experts en architecture ASIC (circuits intégrés spécifiques) et XPU (processeurs accélérés pour l’IA).
Le calendrier prévoirait une phase de prototypage achevée d’ici fin 2025, suivie d’une production de masse en 2026. À terme, cette puce devrait coexister avec les GPU Nvidia et AMD actuellement utilisés par OpenAI, mais en prenant en charge une part croissante des charges de travail, notamment l’inférence (qui représente 65 à 70 % de la demande totale en calcul IA d’ici 2027).
Une réponse à l’explosion des besoins en calcul et aux coûts prohibitifs
En 2024, OpenAI a enregistré un chiffre d’affaires de 4 milliards de dollars, mais des pertes estimées à 5 milliards, en partie imputables aux coûts d’infrastructure. Avec des ventes projetées à 11,6 milliards de dollars en 2025, l’entreprise ne peut se permettre de dépendre exclusivement des GPU Nvidia, dont les prix ont flambé sous l’effet de la demande. « Nous devons doubler nos ressources de calcul dans les cinq prochains mois », avait déclaré Sam Altman, PDG d’OpenAI, en 2024. Une puce personnalisée permettrait de diviser par 3 à 5 la consommation énergétique par opération tout en améliorant les performances pour des tâches spécifiques comme le traitement du langage naturel.
Les GPU génériques, conçus pour une large gamme d’applications, sont en effet sous-optimisés pour les modèles d’OpenAI. Une puce dédiée peut, elle, ajuster finement des paramètres comme la topologie des cœurs, la taille des matrices ou les protocoles de mémoire, réduisant ainsi la latence et les goulots d’étranglement. Selon les estimations internes, les gains pourraient atteindre 2 fois plus de performances pour un coût opérationnel réduit de 25 à 35 %.
Un projet inséré dans l’écosystème « Stargate »
Ce développement s’intègre au Projet Stargate, un plan d’investissement de 500 milliards de dollars sur quatre ans annoncé en janvier 2025 par un consortium incluant OpenAI, Microsoft et Oracle. Ce projet prévoit la construction d’un supercalculateur IA d’ici 2028 et d’un centre de données pouvant coûter jusqu’à 100 milliards de dollars. Oracle a d’ailleurs commandé pour 40 milliards de dollars de puces Nvidia dans ce cadre, illustrant la course aux infrastructures entre acteurs majeurs.
Pour OpenAI, la puce « Titan » serait un premier pas vers une autonomie partielle, même si Nvidia reste incontournable pour l’entraînement des modèles les plus gourmands. En 2024, 70 % des dépenses d’infrastructure IA étaient encore consacrées aux GPU Nvidia, un monopole que cette initiative cherche à éroder.

Avantages compétitifs : pourquoi une puce sur mesure change la donne
Les puces personnalisées offrent trois avantages majeurs pour OpenAI : une efficacité énergétique supérieure, une réduction des coûts, et un contrôle accru sur la chaîne d’approvisionnement. À l’heure où l’IA générative exige des ressources toujours plus importantes, ces atouts pourraient s’avérer décisifs.
Des gains de performance ciblés sur l’inférence et l’entraînement
Contrairement aux GPU, conçus pour des calculs parallèles génériques, une puce ASIC ou XPU est optimisée pour des tâches précises. Pour OpenAI, cela signifie :
- Une latence réduite : les temps de réponse pour l’inférence (génération de texte, images, etc.) pourraient être divisés par 3 à 5 par rapport à un GPU Nvidia équivalent.
- Une efficacité énergétique accrue : les performances par watt seraient 3 à 5 fois supérieures, un critère clé alors que les centres de données consomment déjà 1 à 2 % de l’électricité mondiale.
- Une meilleure scalabilité : l’architecture peut être adaptée aux modèles massifs comme GPT-5, évitant les limitations des GPU en mémoire et bande passante.
Ces améliorations sont cruciales pour l’inférence, qui représente la majorité des opérations une fois un modèle entraîné. Par exemple, chaque requête sur ChatGPT mobilise des ressources considérables : une puce dédiée pourrait les traiter à moindre coût.
Maîtrise des coûts et sécurité de la chaîne d’approvisionnement
En 2024, OpenAI a dépensé plusieurs milliards de dollars en GPU, avec des marges compressées par la hausse des prix. Une puce interne permettrait de :
- Stabiliser les coûts : en évitant les fluctuations du marché des GPU, où Nvidia fixe les prix.
- Limiter les risques géopolitiques : les tensions entre les États-Unis et la Chine sur les semi-conducteurs (comme les restrictions à l’exportation des puces Nvidia vers certains pays) poussent les acteurs à sécuriser leurs approvisionnements.
- Optimiser les flux logistiques : en travaillant directement avec TSMC, OpenAI réduit les intermédiaires et les délais.
Selon des analyses internes, le retour sur investissement pourrait être atteint dès 2027, avec une réduction des dépenses d’infrastructure de 20 à 40 % sur cinq ans.
Vers une différenciation technologique face à Nvidia
Nvidia domine grâce à son écosystème CUDA et ses bibliothèques logicielles (comme cuDNN pour l’apprentissage profond), qui verrouillent les développeurs. Mais une puce sur mesure permet à OpenAI de :
- Contourner les verrous technologiques : en évitant la dépendance à CUDA, tout en développant ses propres outils d’optimisation.
- Créer un avantage compétitif : une puce alignée sur les besoins de GPT-5 pourrait offrir des performances inaccessibles aux concurrents utilisant des GPU standard.
- Préparer l’après-Nvidia : si d’autres acteurs (comme Google avec ses TPU) prouvent que des alternatives sont viables, le marché pourrait se fragmenter.
Cette stratégie n’est pas sans risques : le développement d’une puce prend du temps, et Nvidia continue d’innover avec ses architectures Blackwell et Hopper. Mais pour OpenAI, l’enjeu est moins de remplacer Nvidia que de diversifier ses options dans un contexte de pénurie et de hausse des prix.
Un marché des puces IA en pleine recomposition
L’initiative d’OpenAI s’inscrit dans une tendance plus large : la fragmentation du marché des semi-conducteurs pour l’IA. Après des années de domination sans partage de Nvidia, les géants technologiques investissent massivement dans leurs propres solutions, redessinant la carte des acteurs.
La fin du monopole de Nvidia ?
Nvidia contrôle aujourd’hui plus de 90 % du marché des GPU pour l’entraînement IA, avec une capitalisation boursière frôlant les 4 000 milliards de dollars en 2025. Son avantage repose sur :
- Des performances brutes : ses puces H100 et B200 (architecture Blackwell) sont les plus puissantes du marché.
- Un écosystème logiciel : CUDA et les bibliothèques associées sont devenues un standard de fait.
- Un réseau de partenaires : cloud providers (AWS, Google Cloud), constructeurs de serveurs, et startups IA.
Pourtant, des fissures apparaissent. Le coût élevé des GPU (jusqu’à 40 000 dollars par unité pour un H100) et les délais de livraison (parfois supérieurs à six mois) poussent les clients à chercher des alternatives. OpenAI, Meta, Google et Amazon misent ainsi sur des puces maison pour réduire leur dépendance.
Google, Meta, Amazon : la course aux ASIC et XPU
Le mouvement n’est pas nouveau :
| Acteur | Puce développée | Usage principal | Avantage clé |
|---|---|---|---|
| TPU (Tensor Processing Unit) (depuis 2016) | Inférence et entraînement (modèles comme PaLM) | Intégration native avec TensorFlow, performances supérieures pour les charges de travail internes | |
| Meta | ASIC (Artificial Intelligence Chip) (en développement) | Inférence pour les recommandations et la publicité | Réduction des coûts énergétiques dans ses data centers |
| Amazon | Inferentia (inférence) et Trainium (entraînement) | Services AWS (SageMaker, Bedrock) | Tarifs compétitifs par rapport aux instances GPU Nvidia |
| Microsoft | Maia 100 (avec Qualcomm) et Cobalt (CPU) | Inférence pour Copilot et Azure AI | Optimisation pour les modèles LLM (Large Language Models) |
Ces initiatives montrent que le marché bascule vers un modèle où chaque acteur majeur développe son propre silicium. Broadcom, qui fournit déjà des XPU à Google, Meta et ByteDance, pourrait devenir un joueur clé de cette transition. Les analystes de HSBC prévoient que son activité de puces personnalisées croîtra plus vite que celle des GPU Nvidia d’ici 2026.
Vers une souveraineté computationnelle ?
Au-delà des enjeux économiques, cette tendance reflète une quête de souveraineté technologique. Les tensions géopolitiques (comme les restrictions américaines sur les exportations de puces vers la Chine) ont révélé la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement. En développant leurs propres solutions, les géants de l’IA cherchent à :
- Éviter les embargos : une puce conçue en interne et fabriquée par un partenaire comme TSMC (taïwanais) limite les risques de blocage.
- Contrôler leur roadmap : plus besoin d’attendre les sorties de Nvidia pour scalabiliser leurs modèles.
- Créer des barrières à l’entrée : un silicium optimisé pour GPT-5 ou Llama 3 pourrait devenir un avantage compétitif durable.
À long terme, ce mouvement pourrait aboutir à une verticalisation du marché : chaque fournisseur de modèles IA (OpenAI, Meta, etc.) aurait sa propre stack matérielle, du silicium au logiciel. Un scénario qui affaiblirait Nvidia, mais qui pourrait aussi complexifier l’interopérabilité entre écosystèmes.

Les limites et défis de la stratégie d’OpenAI
Malgré ses atouts, cette approche comporte des risques :
- Le coût et la complexité : développer une puce prend 3 à 5 ans et des milliards de dollars. Un échec technique ou un retard pourrait coûter cher.
- La dépendance à TSMC : le fabricant taïwanais concentre 60 % de la production mondiale de puces avancées, ce qui crée un nouveau point de vulnérabilité.
- L’écosystème logiciel : Nvidia bénéficie de décennies d’avance avec CUDA. OpenAI devra développer ses propres outils, un processus long et coûteux.
- La concurrence interne : Microsoft, partenaire historique d’OpenAI, développe aussi ses puces (Maia). Une rivalité pourrait émerger.
Enfin, même avec une puce interne, OpenAI ne pourra pas se passer totalement de Nvidia avant plusieurs années. Les GPU restent indispensables pour l’entraînement des modèles les plus avancés, comme le prouve la commande récente de 40 milliards de dollars par Oracle dans le cadre du Projet Stargate.
Verdict : une manœuvre audacieuse, mais pas sans risques
Le partenariat entre OpenAI et Broadcom marque un tournant dans la guerre des puces IA. En misant sur un silicium sur mesure, OpenAI cherche à réduire ses coûts, améliorer ses performances et sécuriser son approvisionnement face à la domination de Nvidia. Les gains potentiels (jusqu’à 35 % de réduction des coûts et des performances doublées) justifient l’investissement de 10 milliards de dollars.
Pour OpenAI : un pari nécessaire, mais incertain
À court terme, cette stratégie permet à OpenAI de :
- ✅ Diversifier ses fournisseurs et réduire sa dépendance à Nvidia.
- ✅ Optimiser ses coûts sur l’inférence, qui représente la majorité de ses dépenses.
- ✅ Préparer l’arrivée de GPT-5, dont les besoins en calcul dépasseront ceux des modèles actuels.
Mais les défis sont réels :
- ⚠️ Délais et risques techniques : une puce ratée pourrait retarder le déploiement de nouveaux modèles.
- ⚠️ Dépendance à TSMC : la géopolitique taïwanaise reste un facteur de risque.
- ⚠️ Concurrence accrue : Microsoft, Google et Meta ont une longueur d’avance en matière de puces maison.
Pour le marché : vers une ère de fragmentation
Cette initiative accélère la fragmentation du marché des puces IA, avec des conséquences majeures :
- Pour Nvidia : une menace à long terme, mais le géant conserve un avantage grâce à son écosystème CUDA et ses performances brutes.
- Pour Broadcom et TSMC : une opportunité de devenir des acteurs centraux de l’IA, aux côtés de Nvidia et AMD.
- Pour les clients cloud : une possible baisse des prix si la concurrence s’intensifie, mais aussi une complexité accrue (compatibilité entre puces, verrouillage propriétaire).
Si OpenAI réussit, son modèle pourrait inspirer d’autres acteurs, accélérant la transition vers des architectures verticalisées où chaque géant de l’IA contrôle sa propre stack matérielle. À l’inverse, un échec renforcerait encore la position dominante de Nvidia, déjà en passe de devenir le premier fournisseur d’infrastructure IA au monde.
Et pour les utilisateurs finaux ?
À moyen terme, cette évolution pourrait se traduire par :
- Des services IA moins chers : si les coûts d’inférence baissent, OpenAI pourrait répercuter une partie des économies sur ses tarifs (abonnements ChatGPT, API, etc.).
- Des performances améliorées : une latence réduite et une efficacité énergétique accrue pourraient rendre les modèles plus réactifs et accessibles.
- Moins de dépendance aux géants traditionnels : une diversification des fournisseurs de puces pourrait limiter les risques de pénurie ou de hausse brutale des prix.
Reste à savoir si OpenAI parviendra à tenir ses promesses techniques d’ici 2026 et si Nvidia, Google et Meta laisseront ce nouvel entrant s’imposer sans réaction.
















