Le 5 septembre 2025, le supercalculateur JUPITER a été mis en service à Jülich, marquant l’entrée officielle de l’Europe dans l’ère exascale. Ce système, premier du continent à atteindre un exaflop, promet de transformer la recherche climatique, l’intelligence artificielle et la médecine tout en renforçant la souveraineté numérique européenne. Son déploiement, financé à hauteur de 500 millions d’euros, s’inscrit dans la stratégie EuroHPC visant à réduire la dépendance aux infrastructures étrangères.
À retenir
- JUPITER, le premier supercalculateur exascale européen, a été inauguré le 5 septembre 2025 à Jülich (Allemagne).
- Il combine 24 000 puces NVIDIA Grace Hopper, délivrant jusqu’à 90 exaflops IA en pic théorique.
- Le coût de développement s’élève à 500 millions d’euros, partagé entre l’Union européenne et l’Allemagne.
- Le système fonctionne entièrement à l’énergie renouvelable et recycle sa chaleur pour le chauffage local.
- JUPITER soutient des projets majeurs en climat, IA, médecine, neurosciences et calcul quantique, favorisant la compétitivité industrielle.
Introduction à l’ère exascale européenne et JUPITER
Le lancement de JUPITER a rassemblé les plus hautes autorités européennes, dont le chancelier Friedrich Merz et la commissaire Ekaterina Zaharieva, soulignant l’importance politique de ce jalon technologique. L’exascale désigne la capacité d’exécuter au moins un exaflop, soit 10¹⁸ opérations par seconde, une puissance qu’un ordinateur portable mettrait plusieurs années à atteindre. En se positionnant comme le système le plus puissant d’Europe et le quatrième au niveau mondial, le continent rejoint les États-Unis, pionniers avec Frontier en 2022.
Lancement et signification historique
L’inauguration officielle s’est déroulée au Forschungszentrum Jülich, centre de recherche de renom. La cérémonie a mis en avant l’ambition européenne de passer du statut de simple consommateur de calcul haute performance à celui d’acteur majeur. Cette transition symbolise également la volonté de l’UE de maîtriser les technologies de pointe pour des applications stratégiques.
Définition de l’exascale
Un exaflop représente un milliard de milliards d’opérations flottantes par seconde. Cette unité de mesure, aujourd’hui un critère de référence pour le calcul scientifique, permet de réaliser des simulations d’une précision et d’une échelle inédites. Dans le domaine de l’IA, elle ouvre la voie à l’entraînement de modèles de langage gigantesques en temps réel.
Positionnement de JUPITER à l’échelle mondiale
Classé quatrième supercalculateur le plus rapide au monde, JUPITER surpasse tous les autres systèmes européens, offrant plus du double de la vitesse pour les charges de travail HPC et IA comparé au précédent record européen. Sa mise en service confirme la place de l’Europe dans le peloton de tête du calcul exascale, aux côtés des États-Unis, du Japon et de la Chine.

Capacités techniques et architecture du supercalculateur JUPITER
L’architecture de JUPITER repose sur une intégration poussée de technologies NVIDIA et d’infrastructures modulaires, optimisées pour la densité de calcul et l’efficacité énergétique.
Composition matérielle et performances
Le cœur du système est constitué d’environ 24 000 puces NVIDIA Grace Hopper (GH200), qui combinent CPU et GPU sur une même puce pour accélérer les simulations scientifiques et les charges d’IA. Ces puces sont interconnectées via le réseau InfiniBand Quantum-2, offrant près de 51 000 liaisons haut débit. Le stockage s’élève à près d’un exaoctet, réparti dans des armoires BullSequana XH3000 d’Eviden, refroidies par un système de liquide direct. En double précision (FP64), JUPITER atteint un exaflop, tandis qu’en IA il peut atteindre 90 exaflops en pic théorique.
Conception modulaire et évolutivité
Le centre de données se compose d’une cinquantaine d’unités préfabriquées, assemblées comme des briques. Cette modularité a permis de réduire le délai de construction de plusieurs mois et facilite les extensions futures. Chaque module intègre alimentation, réseau et refroidissement liquide, garantissant une haute disponibilité et une maintenance simplifiée.
Données de performance clés
| Paramètre | Valeur |
|---|---|
| Puissance de calcul (FP64) | 1 exaflop |
| Puissance IA (pic) | 90 exaflops |
| Nombre de puces Grace Hopper | ≈ 24 000 |
| Capacité de stockage | ≈ 1 exaoctet |
| Coût de développement | 500 millions € |
| Classement Green500 | Le plus efficient parmi les cinq systèmes les plus rapides |
Enjeux stratégiques et souveraineté numérique de l’Europe
Au-delà de la prouesse technique, JUPITER constitue un levier de souveraineté numérique, garantissant le contrôle des données et la compétitivité industrielle sur le territoire européen.
Un projet EuroHPC et ses partenaires
JUPITER est le fruit d’une coopération entre EuroHPC JU, le gouvernement fédéral allemand, le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le consortium Eviden (filiale d’Atos) et ParTec, avec NVIDIA comme fournisseur principal. Ce consortium a mobilisé plus d’une décennie de recherche et d’investissement public-privé pour atteindre le seuil exascale.
Renforcement de la souveraineté technologique
En hébergeant une capacité de calcul de premier plan sur le sol européen, le projet réduit la dépendance aux infrastructures étrangères. Les données sensibles, notamment dans les domaines de la défense, de la santé et de la climatologie, restent sous juridiction européenne, conformément aux exigences du RGPD et aux nouvelles directives sur l’IA.
Impact sur les écosystèmes d’innovation
JUPITER ouvre des opportunités pour les start-ups et PME qui peuvent accéder à une puissance de calcul auparavant réservée aux grands laboratoires. La plateforme d’IA « JUPITER AI Factory » (JAIF), lancée en mars 2025, vise à entraîner des LLM multilingues adaptés aux spécificités européennes, stimulant ainsi un marché de services IA souverains.

Applications et impact scientifique et industriel
Le supercalculateur est déjà mobilisé sur des projets qui touchent aux enjeux climatiques, médicaux et industriels, démontrant la portée transversale de l’exascale.
Recherche climatique et météorologique
JUPITER permet des simulations climatiques à l’échelle du kilomètre, augmentant la précision des prévisions d’événements extrêmes. Les modèles peuvent désormais projeter les impacts climatiques sur un horizon de 100 ans, contre 10 ans auparavant, améliorant ainsi la planification des politiques d’adaptation.
Avancées en intelligence artificielle
La capacité d’entraînement de LLM gigantesques en plusieurs langues européennes fait de JUPITER le moteur IA le plus avancé du continent. La JAIF exploite cette puissance pour développer des modèles fondamentaux d’image, de vidéo et multimodaux, tout en respectant les cadres de protection des données européens.
Médecine, neurosciences et calcul quantique
En neurosciences, JUPITER modélise l’activité cérébrale jusqu’au niveau subcellulaire, ouvrant la voie à de nouvelles approches pour Alzheimer ou l’épilepsie. Dans le domaine quantique, le système dépasse les records de simulation de circuits, offrant un banc d’essai virtuel pour valider les algorithmes avant leur implémentation sur du matériel quantique réel.
Soutien à l’industrie et innovation
Les secteurs de l’énergie, des matériaux et de l’automobile bénéficient de simulations exascale pour concevoir des batteries, des catalyseurs et des semi-conducteurs plus rapidement. La réduction des cycles de R&D se traduit par un gain de compétitivité et un raccourcissement du time-to-market.
Efficacité énergétique et durabilité
L’efficacité énergétique de JUPITER répond aux exigences environnementales tout en maintenant des performances de pointe.
Innovations en refroidissement
Le refroidissement liquide direct extrait la chaleur des puces Grace Hopper plus efficacement que les solutions à air. Ce système, intégré dans les armoires BullSequana XH3000, assure une densité de calcul élevée tout en limitant la consommation d’énergie.
Réutilisation de la chaleur fatale
La chaleur récupérée alimente le chauffage de bâtiments voisins, transformant une perte énergétique en ressource utile. Cette démarche s’inscrit dans la stratégie de valorisation de l’énergie thermique du centre de données.
Classement et impact environnemental
JUPITER est classé parmi les systèmes les plus efficaces du Green500, dépassant les quatre supercalculateurs les plus rapides en termes de performance par watt. Fonctionnant exclusivement à l’énergie renouvelable, il montre que l’exascale n’est pas incompatible avec la lutte contre le changement climatique.
Déploiement, gouvernance et accès
La modularité du déploiement et les mécanismes de gouvernance transparents assurent une utilisation optimale et équitable de la capacité exascale.
Accélération du déploiement et modularité
Le recours à des unités préfabriquées a raccourci la phase de construction, permettant de mettre JUPITER en service en moins d’un an. Cette approche facilite également les futures extensions, garantissant une évolutivité à long terme.
Modalités d’accès et publics bénéficiaires
L’accès à JUPITER se fait via des appels à projets évalués par des pairs, des initiatives stratégiques et des contrats commerciaux. Les chercheurs européens, ainsi que les entreprises industrielles, peuvent soumettre des propositions pour bénéficier de temps de calcul, sous réserve du respect des critères d’excellence scientifique et de pertinence industrielle.
Principes de gouvernance des données
Les politiques d’allocation insistent sur la transparence, la confidentialité et la conformité aux réglementations européennes. Les jeux de données sensibles sont stockés et traités sous des protocoles de sécurité renforcés, garantissant la protection de la vie privée et la traçabilité des traitements IA.
Défis et perspectives d’avenir
Malgré ses succès, JUPITER doit relever plusieurs défis pour maximiser son impact à long terme.
Optimisation logicielle et applications
Les performances maximales requièrent des codes optimisés pour les architectures GPU, la bande passante mémoire élevée et les interconnexions complexes. De nombreux projets scientifiques doivent encore adapter leurs logiciels pour exploiter pleinement le potentiel exascale.
Équilibrage de l’accès et des usages
La répartition équitable du temps de calcul entre projets d’envergure (ex. simulations climatiques continentales) et initiatives plus modestes (start-ups, chercheurs émergents) nécessite des politiques d’allocation fines et une communication transparente.
Évolution matérielle et marchés de l’énergie
Le matériel exascale évolue rapidement ; prévoir des mises à jour incrémentales et garantir la compatibilité avec les générations futures représente un enjeu logistique majeur. Sur le plan énergétique, le maintien de contrats d’électricité verte à long terme et l’extension des systèmes de récupération de chaleur seront essentiels pour maîtriser les coûts et les émissions.
















