La France investit 109 milliards d’euros dans le cloud pour l’IA

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La France investit 109 milliards d’euros dans l’IA pour un cloud
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La France accélère sa transition vers un écosystème cloud souverain et performant, porté par des investissements massifs dans l’intelligence artificielle (IA) et des infrastructures adaptées. Avec 109 milliards d’euros engagés d’ici 2030 et des projets phares comme le méga-datacenter émirati de 1 gigawatt, le pays mise sur une autonomie technologique face aux hyperscalers américains, tout en suscitant des débats sur l’efficacité écologique et stratégique de ces choix. Entre souveraineté numérique, enjeux énergétiques et compétition mondiale, les entreprises françaises doivent désormais arbitrer entre cloud hybride, optimisation algorithmique et nouvelles architectures comme l’IA embarquée ou le quantique.


À retenir

  • 109 milliards d’euros investis par la France dans l’IA d’ici 2030, dont 54 milliards via le plan France 2030 pour décarboner et soutenir les acteurs émergents.
  • Un méga-datacenter de 1 GW financé par les Émirats arabes unis (30 à 50 milliards d’euros), annoncé comme le plus grand d’Europe dédié à l’IA.
  • 79 % des entreprises françaises considèrent la souveraineté numérique comme un critère clé pour leurs solutions IT (source : enquête 2025).
  • Les centres de données IA représentent 30 à 40 % des nouveaux projets, avec des capacités 10 fois supérieures aux infrastructures traditionnelles.
  • Critiques : la stratégie actuelle privilégie les infrastructures (datacenters) au détriment de l’optimisation des algorithmes et de l’IA embarquée, plus économe en énergie.
  • Les leaders du cloud hybride en France en 2025 : OVHcloud, Orange Business, Capgemini, Atos, et Scaleway, avec des solutions certifiées SecNumCloud.
  • Les GPU-as-a-service et les pipelines ETL (Extract-Transform-Load) deviennent des standards pour déployer des LLM (grands modèles de langage) à grande échelle.
  • Risque d’obsolescence : les datacenters centralisés pourraient être dépassés par l’informatique quantique (ex : puce Willow de Google en 2024) et l’Edge AI.

Cloud souverain et IA : la France accélère, entre ambitions et dépendances

Depuis 2024, la France a engagé une course contre la montre pour réduire sa dépendance aux hyperscalers américains (AWS, Microsoft Azure, Google Cloud) tout en positionnant son écosystème comme un leader européen de l’IA souveraine. Porté par le plan France 2030 et des investissements étrangers massifs, ce virage s’appuie sur trois piliers : la modernisation des centres de données, l’adoption de normes strictes de gouvernance des données et le développement de technologies clés comme l’AIOps ou la GenAI. Pourtant, malgré ces avancées, des limites persistent, notamment dans la certification SecNumCloud et la concurrence avec les géants du numérique.

Le plan France 2030 : 54 milliards pour décarboner et concurrencer les Gafam

Lancé en 2021 et prolongé jusqu’en 2030, le plan France 2030 consacre 54 milliards d’euros à la transformation numérique, dont la moitié est destinée aux acteurs émergents du cloud et de l’IA. L’objectif affiché : construire une Europe numérique plus forte, selon Clara Chappaz, ministre déléguée à l’Intelligence artificielle et au Numérique. Concrètement, cela se traduit par :

  • Un appel à projets lancé le 14 avril 2025 pour renforcer l’offre de services cloud nationaux, avec un focus sur la souveraineté des données et la conformité au RGPD.
  • La création d’un Observatoire de la souveraineté numérique, piloté par le Conseil général de l’Économie, chargé d’identifier les dépendances technologiques critiques (ex : semi-conducteurs, logiciels de gestion).
  • Un soutien accru aux datacenters bas carbone, profitant de l’énergie nucléaire française pour garantir une évolutivité alignée sur le zéro émission net.

Pourtant, les résultats peinent à suivre les ambitions. En 2025, la plateforme nationale des données de santé (Health Data Hub) reste hébergée par Microsoft, malgré les réserves de la CNIL sur les risques liés au Cloud Act américain. De même, des acteurs comme OVHcloud ou CloudTemple n’ont pas encore obtenu la certification SecNumCloud de l’Anssi, indispensable pour les marchés publics sensibles.

Les hyperscalers en embuscade : 12 milliards d’euros pour les datacenters IA d’ici 2030

Malgré la volonté d’autonomie, les hyperscalers continuent de dominer le marché. En 2025, Microsoft a annoncé un investissement de 4 milliards d’euros dans des datacenters français dédiés à l’IA, suivi par Iliad (2,5 milliards) et Amazon (1,2 milliard). Au total, 12 milliards d’euros sont prévus d’ici 2030 pour des infrastructures capables de supporter des modèles d’IA 10 fois plus gourmands en ressources que les systèmes traditionnels.

Ces annonces s’inscrivent dans une dynamique plus large : la France comptait 315 datacenters en 2024, mais seulement 30 à 40 % des nouveaux projets sont conçus pour l’IA, avec des exigences accrues en refroidissement (ex : refroidissement liquide) et en réseau (SDN, ou Software-Defined Networking). Le sommet Choose France 2024 a acté 5 milliards d’euros spécifiquement pour l’IA et les datacenters, sur un total de 10 milliards d’investissements étrangers.

Le projet le plus emblématique reste cependant le méga-datacenter de 1 gigawatt porté par les Émirats arabes unis via MGX, avec un budget estimé entre 30 et 50 milliards d’euros. Prévu pour être le plus grand d’Europe, ce campus devrait être officiellement lancé lors de Choose France 2025, confirmant l’attractivité du territoire, mais aussi sa dépendance aux capitaux étrangers pour financer sa souveraineté.

Souveraineté numérique : un critère décisif pour 79 % des entreprises

Selon une enquête publiée en 2025, 79 % des entreprises françaises intègrent désormais la souveraineté numérique dans leurs critères de choix pour une solution IT. Cette tendance s’explique par :

  • Le Cloud Act américain, qui permet aux autorités US d’accéder aux données hébergées par leurs entreprises, même à l’étranger.
  • Les exigences du RGPD et des réglementations sectorielles (ex : santé, défense), imposant un hébergement local des données sensibles.
  • La montée en puissance des cyberattaques, poussant les organisations à privilégier des infrastructures résilientes et certifiées (ex : SecNumCloud).

Pour répondre à cette demande, les fournisseurs français misent sur des solutions cloud hybrides, combinant infrastructures privées et publiques certifiées. Le rapport ISG 2025 Provider Lens® identifie ainsi 54 acteurs, dont 22 leaders :

CatégorieLeaders (2025)Rising Stars
Cloud hybrideOrange Business, Kyndryl, Sopra Steria, Capgemini, AtosConstellation, OPCORE
DatacentersOVHcloud, DATA4, Digital Realty, Equinix, ScalewayScaleSquad
Services managésAccenture, Wipro, DXC Technology, TCSPersistent Systems (désigné ISG CX Star Performer pour la satisfaction client)

Ces acteurs proposent des modèles standardisés et automatisés, renforcés par des outils comme l’AIOps (optimisation des opérations IT via l’IA) ou le FinOps (gestion des coûts cloud). Par exemple, OVHcloud et Scaleway intègrent désormais des solutions GenAI dans leurs offres privées pour garantir la rétention locale des données, un prérequis pour développer des IA personnalisées en conformité avec le RGPD.

La France investit 109 milliards d’euros dans l’IA pour un cloud

Technologies clés : entre cloud hybride, GenAI et efficience énergétique

Pour supporter la demande croissante en IA, les entreprises françaises adoptent des technologies combinant performance, sécurité et durabilité. Parmi les innovations phares : l’AIOps pour automatiser la gestion des infrastructures, le GPU-as-a-service pour accélérer les calculs d’IA et les pipelines ETL pour préparer les données destinées aux LLM. Ces choix reflètent une volonté d’allier compétitivité mondiale et conformité réglementaire, tout en limitant l’empreinte carbone.

AIOps et GenAI : automatiser pour mieux innover

L’AIOps (pour Artificial Intelligence for IT Operations) s’impose comme un standard pour les entreprises cherchant à optimiser leurs opérations informatiques. Cette approche utilise l’IA pour :

  • Détecter et résoudre les incidents en temps réel, réduisant les temps d’arrêt de 30 à 50 % (source : rapport ISG 2025).
  • Automatiser la recherche de connaissances dans les logs et les bases de données, via des outils de GenAI (ex : assistants conversationnels pour les équipes DevOps).
  • Prédire les pannes grâce à l’analyse des patterns historiques, évitant ainsi des coûts de maintenance imprévus.

Parallèlement, la GenAI (IA générative) transforme la productivité des analystes de données. Selon le même rapport, son adoption permet :

  • Une réduction de 40 % du temps passé sur les tâches répétitives (ex : nettoyage de données, génération de rapports).
  • Une amélioration de 25 % des performances des infrastructures, grâce à une allocation dynamique des ressources.
  • Un déploiement accéléré des LLM (grands modèles de langage) via des pipelines ETL optimisés, essentiels pour les projets d’IA à grande échelle.

Ces technologies sont particulièrement plébiscitées par les entreprises de taille moyenne, qui les combinent avec des modèles de services standardisés (ex : Cloud Temple, Claranet) pour réduire leurs coûts tout en garantissant la souveraineté des données.

Focus : le GPU-as-a-service, accélérateur des projets IA

Pour entraîner des modèles d’IA toujours plus complexes, les entreprises se tournent vers le GPU-as-a-service, une offre permettant d’accéder à des processeurs graphiques (GPU) haute performance sans investir dans du matériel coûteux. En France, cette tendance est portée par :

  • OVHcloud et son offre AI Training, proposant des GPU Nvidia H100 en location.
  • Scaleway, qui mise sur des instances bare metal (serveurs dédiés) optimisées pour l’IA.
  • DATA4 et Digital Realty, qui intègrent des solutions de refroidissement liquide pour limiter la consommation énergétique.

Ces services permettent aux PME et aux startups de démocratiser l’accès à l’IA, sans sacrifier la souveraineté. Par exemple, une entreprise française peut désormais entraîner un LLM sur des données sensibles (ex : santé, finance) tout en les gardant sur le territoire national, grâce à des partenariats avec des hébergeurs locaux certifiés SecNumCloud.

Datacenters nouvelle génération : refroidissement liquide et SDN

Les centres de données dédiés à l’IA doivent répondre à des exigences inédites en termes de puissance, de latence et d’efficacité énergétique. En France, les acteurs misent sur deux innovations majeures :

  • Le refroidissement liquide : jusqu’à 50 % plus efficace que les systèmes à air, il permet de réduire la consommation énergétique des GPU et CPU surchauffés par les calculs d’IA. OVHcloud et DATA4 l’ont adopté pour leurs nouveaux campus.
  • Le SDN (Software-Defined Networking) : cette technologie virtualise la gestion du réseau, optimisant le trafic et réduisant les latences, critiques pour les applications d’IA temps réel (ex : chatbots, analyse vidéo).

Ces avancées s’inscrivent dans une démarche plus large de décarbonation. La France, grâce à son mix énergétique nucléaire, peut en effet proposer des datacenters bas carbone, un argument clé pour attirer les investissements internationaux. Cependant, cette approche reste controversée :

  • Avantages : alignement avec les objectifs zéro émission net, coût énergétique maîtrisé, attractivité pour les entreprises soucieuses de leur bilan carbone.
  • Limites : la prolifération des datacenters reste gourmande en eau (pour le refroidissement) et en espace, posant des questions sur la soutenabilité à long terme.

FinOps : optimiser les coûts dans un écosystème cloud complexe

Avec la multiplication des services cloud (publics, privés, hybrides), les entreprises font face à une explosion des coûts souvent difficile à maîtriser. Pour y remédier, elles adoptent le FinOps, une méthodologie visant à :

  • Surveiller en temps réel les dépenses cloud (ex : utilisation des GPU, stockage des données).
  • Automatiser l’allocation des ressources en fonction des besoins réels, évitant le surprovisionnement.
  • Négocier des contrats flexibles avec les fournisseurs, en s’appuyant sur des données d’usage précises.

En France, des acteurs comme Capgemini ou Sopra Steria intègrent le FinOps dans leurs offres de cloud managed services, permettant à leurs clients de réduire leurs coûts de 15 à 30 % (source : ISG 2025). Cette approche est particulièrement cruciale pour les projets d’IA, où les coûts d’entraînement des modèles peuvent atteindre des millions d’euros par an.

Vue du datacenter IA nouvelle génération

Débats et limites : la stratégie française à l’épreuve des réalités technologiques

Si les investissements dans les datacenters et le cloud souverain marquent une volonté claire de réduire la dépendance aux Gafam, des voix critiques soulignent les faiblesses structurelles de cette stratégie. Trois enjeux majeurs émergent : l’obsession infrastructurelle au détriment de l’innovation algorithmique, les défis environnementaux posés par la multiplication des centres de données, et le risque d’obsolescence face à des technologies comme l’IA embarquée ou l’informatique quantique.

Datacenters vs. optimisation algorithmique : un déséquilibre stratégique

Pour Jean-Marc Jancovici, expert des questions énergétiques, et plusieurs chercheurs interrogés en 2025, la France commet une erreur en concentrant ses efforts sur les infrastructures matérielles plutôt que sur l’optimisation des algorithmes ou la gouvernance des données. Plusieurs arguments étayent cette critique :

  • L’IA n’est pas qu’une question de puissance de calcul : les progrès récents (ex : modèles frugaux comme Mistral 7B) montrent qu’une IA performante peut fonctionner avec moins de ressources, à condition d’optimiser son architecture.
  • Les datacenters ne créent pas de valeur ajoutée durable : ils positionnent la France comme un opérateur d’infrastructure, mais pas comme un leader en IA, contrairement à des pays comme le Canada ou Israël, qui misent sur la recherche algorithmique.
  • La duplication des infrastructures est coûteuse : plutôt que de multiplier les centres de données, l’Europe devrait privilégier l’interopérabilité et la mutualisation des ressources existantes, comme le préconise la stratégie européenne pour 2030.

Un exemple frappant est celui de la plateforme nationale des données de santé (Health Data Hub), toujours hébergée par Microsoft en 2025, faute d’alternatives françaises certifiées SecNumCloud et capables de gérer des volumes massifs de données. Ce cas illustre le décalage entre les ambitions souveraines et les réalités opérationnelles.

Enjeux environnementaux : l’IA peut-elle être verte ?

La construction de datacenters dédiés à l’IA pose un dilemme écologique. Si la France mise sur son électricité nucléaire bas carbone pour limiter l’empreinte des infrastructures, plusieurs problèmes persistent :

  • Consommation d’eau : un datacenter de 1 GW comme celui prévu par les Émirats arabes unis pourrait nécessiter plusieurs millions de litres d’eau par jour pour son refroidissement, une ressource déjà sous tension dans certaines régions.
  • Artificialisation des sols : les projets de campus géants (ex : 100 hectares pour le méga-datacenter émirati) entrent en conflit avec les objectifs de zéro artificialisation nette (ZAN).
  • Efficacité énergétique relative : même avec une électricité décarbonée, l’empreinte globale (fabrication des GPU, gestion des déchets électroniques) reste élevée.

Face à ces défis, des alternatives émergent :

  • L’IA embarquée (Edge AI) : en traitant les données localement (ex : dans des capteurs ou des appareils IoT), elle réduit les échanges avec les datacenters centraux, limitant ainsi la consommation énergétique.
  • Les processeurs spécialisés : des puces comme les TPU (Tensor Processing Units) de Google ou les GPU basse consommation de Nvidia permettent de diviser par 10 la consommation électrique pour certains calculs.
  • Les smart data : plutôt que de stocker et traiter des masses de données brutes, l’IA peut se concentrer sur des jeux de données optimisés et pertinents.

Pourtant, ces solutions peinent à s’imposer face à la course à la puissance lancée par les hyperscalers. En 2025, Nvidia et AMD dominent toujours le marché des GPU, tandis que les alternatives européennes (ex : SiPearl, Kalray) restent marginales.

L’ombre du quantique et de l’Edge AI : et si les datacenters devenaient obsolètes ?

Un autre risque majeur pèse sur la stratégie française : l’obsolescence technologique. Deux innovations pourraient en effet rendre les datacenters centralisés moins pertinents d’ici 2030 :

  • L’informatique quantique : en décembre 2024, Google a présenté sa puce Willow, capable d’effectuer des calculs complexes avec une consommation énergétique réduite de 90 % par rapport aux supercalculateurs classiques. D’ici 2028, la startup française Quandela promet des ordinateurs quantiques opérationnels pour des applications industrielles. Ces machines pourraient rendre caduques les fermes de GPU actuelles.
  • L’Edge AI : en décentralisant les calculs (ex : dans des voitures autonomes, des usines intelligentes), cette approche limite le besoin en datacenters centralisés. Elle est d’ailleurs encouragée par le plan France 2030, qui soutient les projets d’IA frugale et locale.

Pour Henri Verdier, ancien ambassadeur pour le numérique, la France risque de construire des cathédrales de béton et de silicium alors que l’IA de demain sera hybride, décentralisée et sobre. Plutôt que de miser uniquement sur les infrastructures, le pays devrait selon lui :

  • Investir massivement dans la recherche algorithmique (ex : modèles légers, IA explicable).
  • Développer des compétences en informatique quantique, via des partenariats avec des acteurs comme Alice & Bob ou Pasqal.
  • Soutenir l’innovation matérielle (ex : puces neuromorphiques, mémoires résistives) pour réduire la dépendance à Nvidia ou Intel.

Enfin, la question des bénéficiaires réels des investissements se pose. Aujourd’hui, les principaux gagnants sont les acteurs étrangers :

  • Semi-conducteurs : Nvidia, AMD, Intel (90 % du marché des GPU pour l’IA).
  • Infrastructures cloud : AWS, Microsoft Azure, Google Cloud (malgré les efforts souverains).
  • Logiciels de gestion : Oracle, Cisco, Dell (dominent les couches logicielles des datacenters).

Pour inverser cette tendance, la France devra créer de la valeur ajoutée en amont (recherche, brevets, talents) plutôt qu’en aval (hébergement, maintenance). Un défi de taille, alors que les compétences en IA restent rares : en 2025, le pays ne forme toujours pas assez d’ingénieurs spécialisés en machine learning ou en quantique, malgré les promesses du plan France 2030.

Verdict : quel cloud pour quelle entreprise en 2025 ?

En 2025, le paysage du cloud et de l’IA en France offre une diversité de solutions, mais aussi des arbitrages complexes entre souveraineté, performance et coût. Pour les entreprises, le choix dépendra de leurs besoins spécifiques, de leur secteur d’activité et de leur appétence pour l’innovation. Voici un tableau comparatif des options disponibles, ainsi que des recommandations ciblées.

Tableau comparatif : cloud hybride, souverain ou hyperscale ?

CritèresCloud souverain (ex : OVHcloud, Scaleway)Cloud hybride (ex : Orange Business, Capgemini)Hyperscalers (AWS, Azure, Google Cloud)
Souveraineté des données⭐⭐⭐⭐⭐ (hébergement 100 % France, certifié SecNumCloud)⭐⭐⭐⭐ (mix privé/public, avec options souveraines)⭐ (soumis au Cloud Act, risques juridiques pour les données sensibles)
Performance IA⭐⭐⭐ (GPU disponibles, mais capacité limitée pour les très grands modèles)⭐⭐⭐⭐ (accès à des GPU haut de gamme via partenariats avec Nvidia)⭐⭐⭐⭐⭐ (infrastructure optimisée pour l’IA, accès aux derniers LLM)
Coût⭐⭐⭐ (tarifs compétitifs pour les PME, mais surcoût pour les solutions haut de gamme)⭐⭐⭐⭐ (modèles flexibles, optimisation via FinOps)⭐⭐ (coûts élevés pour les services premium, risque de facturation complexe)
Conformité RGPD⭐⭐⭐⭐⭐ (design conforme par défaut)⭐⭐⭐⭐ (solutions adaptables, mais vérification nécessaire)⭐⭐ (risques liés aux transferts de données hors UE)
Innovation (GenAI, AIOps)⭐⭐⭐ (intégration progressive, partenariats avec des startups françaises)⭐⭐⭐⭐ (accès aux dernières technologies via les grands groupes)⭐⭐⭐⭐⭐ (écosystème mature, outils prêts à l’emploi)
Durabilité⭐⭐⭐⭐ (électricité nucléaire, refroidissement optimisé)⭐⭐⭐ (dépend des partenaires, efforts en cours)⭐⭐ (empreinte carbone élevée, malgré des engagements neutres)
Idéal pourPME, secteurs régulés (santé, défense), projets nécessitant une souveraineté totale.Grandes entreprises, projets hybrides (migration progressive vers le cloud).Startups en hypercroissance, projets nécessitant une scalabilité mondiale.

Quelle solution choisir selon son profil ?

1. Les PME et ETI soucieuses de souveraineté

Pour les petites et moyennes entreprises, surtout dans des secteurs sensibles (santé, finance, administration), le cloud souverain reste la meilleure option. Des acteurs comme OVHcloud ou Scaleway proposent :

  • Des solutions clés en main certifiées SecNumCloud, avec un hébergement 100 % français.
  • Des offres GenAI intégrées (ex : assistants pour l’analyse de données, chatbots RGPD-compliant).
  • Un support réactif et des tarifs prévisibles, sans surprise de facturation.

Exemple concret : Une clinique privée peut héberger ses dossiers patients sur OVHcloud avec une garantie de rétention locale des données, tout en utilisant un LLM médical entraîné sur des données anonymisées pour aider au diagnostic.

2. Les grandes entreprises en transition vers le cloud hybride

Les grands groupes (CAC 40, ETI en croissance) optent majoritairement pour des solutions hybrides, combinant cloud privé souverain et services publics (ex : Azure ou AWS pour des besoins ponctuels). Les avantages :

  • Flexibilité : possibilité de basculer certaines workloads vers le cloud public en cas de pic de demande.
  • Optimisation des coûts via le FinOps, avec des outils comme CloudHealth (VMware) ou Kubecost pour le Kubernetes.
  • Accès aux innovations (ex : GPU Nvidia H100 en as-a-service) sans renoncer à la souveraineté pour les données critiques.

Cas d’usage : Un groupe industriel peut utiliser Orange Business pour son ERP souverain, tout en recourant à AWS pour entraîner un modèle d’IA de maintenance prédictive, le tout orchestré via une plateforme AIOps.

3. Les startups et scale-ups en quête de scalabilité

Pour les startups en hypercroissance (ex : licornes de la tech, scale-ups), les hyperscalers restent souvent incontournables, malgré leurs limites en souveraineté. Leurs atouts :

  • Accès immédiat aux dernières technologies (ex : Bedrock d’AWS pour les LLM, Vertex AI de Google).
  • Scalabilité mondiale : déploiement instantané dans plusieurs régions, idéal pour les produits SaaS.
  • Écosystème riche (marketplaces, partenariats, crédits cloud pour les jeunes pousses).

Exemple : Une scale-up spécialisée dans la computer vision peut utiliser Google Cloud pour entraîner ses modèles sur des jeux de données massifs, puis déployer son API via Cloud Run avec une latence minimale.

Attention : Ces entreprises doivent impérativement :

  • Chiffrer leurs données sensibles avant de les uploader.
  • Négocier des clauses contractuelles pour limiter l’impact du Cloud Act.
  • Envisager une migration progressive vers des solutions souveraines une fois leur croissance stabilisée.

4. Les acteurs publics et la défense : l’impératif SecNumCloud

Pour les administrations, les hôpitaux ou les entreprises de défense, le choix est restreint aux solutions certifiées SecNumCloud par l’Anssi. En 2025, seules quelques offres répondent à ce critère :

  • OVHcloud (pour l’hébergement et le stockage).
  • Outscale (filiale de Dassault Systèmes, pour les workloads critiques).
  • 3DS Outscale (solutions souveraines pour la défense et l’aérospatial).

Contraintes :

  • Des coûts élevés (jusqu’à 30 % plus chers que les hyperscalers).
  • Des capacités limitées pour l’IA (peu de GPU haut de gamme disponibles).
  • Des délais de déploiement longs (audits de sécurité obligatoires).

Alternative émergente : Le GPU-as-a-service souverain, proposé par DATA4 en partenariat avec Nvidia, pourrait offrir une solution intermédiaire d’ici 2026.

Enfin, une question reste en suspens : la France parviendra-t-elle à concilier souveraineté, innovation et durabilité ? Si les investissements actuels montrent une volonté claire de réduire la dépendance aux Gafam, le succès dépendra aussi de la capacité du pays à innover au-delà des infrastructures, en misant sur l’IA embarquée, l’optimisation algorithmique et les compétences locales. Une chose est sûre : en 2025, le cloud et l’IA ne sont plus des options, mais des leviers stratégiques pour toutes les entreprises, quels que soient leur taille et leur secteur.


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