La France active le supercalculateur IA Asgard pour la défense

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France déploie le supercalculateur IA Asgard, arme de souveraineté
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Le supercalculateur classifié « Asgard », inauguré le 4 septembre 2025 au fort de Mont Valérien, représente le premier investissement majeur de la France dans une infrastructure d’intelligence artificielle dédiée à la défense, marquant une étape décisive pour la souveraineté numérique du pays. L’opération, conduite par le Ministère des Armées et l’Amiad, s’inscrit dans la loi de programmation militaire 2024‑2030, qui alloue 600 millions d’euros à l’IA de défense. Ce dispositif vise à placer la France parmi les leaders mondiaux du calcul haute performance appliqué aux conflits modernes.


À retenir

  • Inauguration le 4 septembre 2025 du supercalculateur « Asgard » à Mont Valérien.
  • Asgard, le plus puissant d’Europe pour l’IA classifiée, troisième mondial.
  • Doté de 1 024 puces Nvidia, il ne possède aucune connexion Internet.
  • Financement de 600 M€ dédié à l’IA de défense, dans le cadre de la loi de programmation militaire 2024‑2030.
  • Objectifs : entraînement de modèles de fondation, simulations de combat, robotique collective (projet Pendragon).
  • Débats sur la souveraineté technologique liés au choix de HPE Cray et Orange.

L’inauguration du supercalculateur IA : une étape majeure pour la défense française

L’événement a été officiellement annoncé lors d’une cérémonie présidée par Sébastien Lecornu, ministre des Armées, qui a souligné le rôle transformateur de l’IA dans les conflits contemporains.

Contexte et annonce officielle

Le jeudi 4 septembre 2025, le Commissariat au numérique de défense (CND) a été inauguré en même temps que le supercalculateur « Asgard ». Cette double mise en service répond à la stratégie IA du ministère, lancée en 2024, et s’appuie sur la loi de programmation militaire qui prévoit 10 milliards d’euros d’investissement pour l’innovation, dont 600 M€ spécifiquement réservés à l’IA de défense. Le ministre Lecornu a déclaré que « l’IA transforme la guerre », comparant le CND au CEA de l’époque atomique.

Caractéristiques techniques et positionnement international

Asgard est classé comme le plus puissant d’Europe dans le domaine de l’IA classifiée et le troisième au monde. Il embarque 1 024 puces Nvidia de dernière génération, exclusivement destinées aux calculs intensifs. Le système est totalement isolé d’Internet, fonctionnant sous un réseau interne sécurisé accessible uniquement à du personnel habilité « secret-défense ». Son architecture repose sur des GPU (Graphics Processing Units) spécialement conçus pour l’entraînement de modèles de grande taille, appelés modèles de fondation.

Acteurs clés et financements

L’exploitation d’Asgard est confiée à l’Amiad (Agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense), qui regroupe deux pôles : un pôle recherche à l’École polytechnique de Palaiseau et un pôle technique au sein de la DGA Maîtrise de l’Information à Bruz. Le CND, quant à lui, assure la gouvernance et la sécurisation des flux de données. Sur le plan financier, la loi de programmation militaire alloue 600 M€ à l’IA de défense, avec un objectif de recrutement de 300 spécialistes, dont 100 déjà intégrés à l’Amiad.

Applications stratégiques et implications futures de l’IA militaire

Au-delà de son rôle de plateforme de calcul, Asgard constitue le socle technologique de plusieurs projets opérationnels visant à renforcer les capacités de combat de la France.

Entraînement des algorithmes et traitement des données

Le supercalculateur permet l’entraînement de grands modèles d’IA nécessitant des volumes massifs de données et des capacités de calcul élevées. Parmi les cas d’usage, le traitement du signal radar et acoustique bénéficie d’une précision accrue grâce à des réseaux neuronaux profonds. Ces algorithmes, une fois entraînés, peuvent être déployés sur des plateformes de terrain pour analyser en temps réel des environnements hostiles.

Développement de capacités opérationnelles avancées

Asgard alimente le projet Pendragon, qui vise à créer la première unité militaire robotique de combat dotée d’une intelligence collective. Les simulations de scénarios tactiques, rendues possibles par la puissance de calcul du supercalculateur, accélèrent le prototypage de drones autonomes, de véhicules terrestres non-habités et de systèmes de défense anti-missile. Ces avancées placent la France au cœur de l’« hypercompétition débridée » décrite par les analystes militaires.

Défis et questions de souveraineté

Le choix de HPE Cray et Orange comme fournisseurs technologiques a suscité une polémique, certains observateurs estimant que la dépendance à des acteurs non-européens pourrait compromettre la souveraineté. L’Amiad insiste sur la nécessité d’une maîtrise totale des GPU et du pipeline de données afin d’éviter toute ingérence étrangère. Cette volonté s’inscrit dans la même logique que le CND se positionne comme l’équivalent du CEA pour le numérique.

Analyse comparée et perspectives d’évolution du supercalculateur

Une mise en perspective des caractéristiques d’Asgard avec d’autres infrastructures européennes permet d’évaluer son impact réel sur la souveraineté technologique française.

Tableau comparatif des supercalculateurs classifiés dédiés à l’IA en Europe

SupercalculateurNombre de pucesType de GPURang mondialRang Europe (IA classifiée)
Asgard (France)1 024Nvidia dernière génération3ᵉ1ᵉ
Leonardo (Italie – public)≈ 1 200AMD/Intel≈ 10ᵉ≈ 4ᵉ
Joliot-Curie (France – public)≈ 800Nvidia≈ 15ᵉ≈ 6ᵉ

Le tableau montre qu’Asgard dépasse les capacités publiques européennes en matière d’IA classifiée, consolidant ainsi la position de la France comme leader continental.

Scénarios d’usage et impact sur la souveraineté

En pratique, Asgard permettra de former des modèles de fondation capables de fonctionner hors ligne, garantissant ainsi le traitement souverain des données sensibles. Les simulations de guerre, alimentées par ce calcul intensif, offrent au commandement français une marge de manœuvre stratégique inédite. Le fait que le système ne soit pas relié à Internet élimine le risque de cyber-espionnage, un avantage décisif dans le contexte actuel de menaces hybrides.

Voies d’amélioration et enjeux éthiques

Les prochains objectifs portent sur l’optimisation énergétique du centre, afin de réduire l’empreinte carbone du calcul haute performance. Sur le plan éthique, la formation de modèles d’IA militaire soulève la question de la responsabilité en cas d’autonomie accrue des systèmes d’armes. L’Amiad travaille avec le Comité national de la recherche scientifique (CNRS) pour établir des guidelines garantissant que les algorithmes restent sous contrôle humain.


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