Le groupe Iliad, par l’intermédiaire de sa filiale Scaleway, a présenté le projet Aion, une gigafactory d’intelligence artificielle destinée à renforcer la souveraineté numérique de l’Europe. Cette initiative répond à l’appel à manifestation d’intérêt de la Commission européenne et du EuroHPC JU, clôturé fin juin 2025, et vise à créer une alternative aux clouds hyperscalers américains. En mobilisant plus de 3 milliards d’euros d’investissements et un consortium de partenaires publics et privés, Aion ambitionne de placer la France au cœur du calcul intensif dédié à l’IA.
À retenir
- Le projet Aion mobilise 3 milliards d’euros, dont 2,5 milliards provenant d’OpCore et d’InfraVia.
- Il prévoit une capacité équivalente à plus de 288 000 GPU Nvidia H100, soit 200 MW de puissance.
- Le consortium rassemble plus d’une dizaine d’acteurs européens, dont le Genci, l’Inria, Hugging Face et SiPearl.
- Aion s’inscrit dans la stratégie de souveraineté numérique prônée par Xavier Niel.
- La sélection officielle des projets EuroHPC JU aura lieu au quatrième trimestre 2025.
Le projet Aion : une contre-offensive européenne majeure pour l’IA
Le projet Aion représente la réponse structurée d’Iliad à la domination des GAFAM dans les infrastructures d’IA. L’objectif principal consiste à fournir une plateforme de calcul intensif dédiée à l’entraînement des modèles de fondation, afin de réduire la dépendance aux GPU Nvidia et aux clouds américains.
Genèse et objectifs stratégiques
Soumis à l’appel de la Commission européenne et du EuroHPC JU, le dossier Aion a été clôturé fin juin 2025 parmi 75 candidatures. Le projet vise à créer une gigafactory d’IA capable de soutenir les besoins croissants de l’écosystème européen. Il s’appuie sur un investissement cumulé de 20 milliards d’euros déjà réalisés par Iliad en Europe au cours de la dernière décennie.
La réponse à l’appel européen
Le consortium Aion a été constitué pour répondre aux critères d’innovation, d’efficacité énergétique et de souveraineté. La sélection officielle, prévue au quatrième trimestre 2025, déterminera les cinq projets retenus. En cas de succès, Aion pourra accéder à des financements publics supplémentaires et à un soutien réglementaire renforcé.
Les piliers fondamentaux d’Aion
Le projet repose sur trois piliers : Ambition (infrastructure de classe mondiale), Souveraineté (maîtrise complète de la chaîne de valeur) et Ouverture (engagement envers l’open source et les partenariats public-privé). Ces axes permettent de garantir la résilience et la compétitivité du cloud européen.
L’alliance stratégique et l’écosystème Iliad/Scaleway
Le consortium Aion fédère un large éventail d’acteurs publics et privés, renforçant la capacité collective à développer une infrastructure IA souveraine.
Un consortium de partenaires publics et privés
Parmi les membres, on retrouve le Genci, coordinateur national du calcul haute performance, l’Inria, la société Eviden (filiale d’Atos), Sopra Steria, le fabricant de semi-conducteurs Vsora et les startups Hugging Face, Kyutai, SiPearl et la « H » company. Le groupe de transport maritime CMA CGM et ZML sont également associés.
Investissements massifs et infrastructures existantes
Iliad a déjà injecté 20 milliards d’euros dans les infrastructures européennes, et annonce un nouveau financement de 3 milliards d’euros dédié à l’IA. Sur ce total, 2,5 milliards proviennent d’OpCore, la filiale de centres de données, en partenariat avec InfraVia. Depuis 2023, Scaleway exploite le premier cluster privé d’IA en France, nommé Nabuchodonosor, composé d’environ 5 000 GPU Nvidia DGX SuperPOD au sein du datacenter 5 à Paris.
Contribution des filiales et laboratoires
Le laboratoire Kyutai, créé fin 2023 avec CMA CGM, conduit des recherches fondamentales sur l’IA ouverte et publie des modèles en open source. SiPearl, fabricant franco-européen de puces HPC, fournit une architecture matérielle adaptée aux exigences de calcul intensif. OpCore, co-détenue avec InfraVia, gère 13 centres de données et ambitionne de devenir le leader hyperscale du cloud européen.

Défis, enjeux de souveraineté et vision d’une IA européenne
Le retard de l’Europe en matière de calcul intensif crée une dépendance aux fournisseurs américains, un risque identifié par les autorités françaises et européennes.
L’urgence de la souveraineté numérique
L’Europe dépend aujourd’hui majoritairement des GPU Nvidia et des services cloud d’Amazon, Microsoft et Google.
Xavier Niel, fondateur d’Iliad, a déclaré : « Nous devons garantir que les données européennes ne soient pas hébergées par des hyperscalers américains ».
Aion propose des crédits GPU « 100 % Europe », assurant que les charges de travail restent sous juridiction européenne.
Les enjeux éthiques et de contrôle
Le modèle d’affaires d’Aion s’appuie sur des technologies open source, favorisant la transparence et la reproductibilité des modèles. Le laboratoire Kyutai publie régulièrement des modèles accessibles, répondant aux exigences de l’IA éthique et de la protection des données personnelles.
Impact et perspectives économiques
Si le projet est retenu, il pourra devenir un moteur de réindustrialisation numérique. La mutualisation de la puissance de calcul offrirait aux startups européennes un accès à des ressources d’envergure, réduisant leurs coûts d’infrastructure. Le concours « RAISE the Stakes », doté d’un million d’euros de crédits GPU, illustre cette dynamique. À terme, les services IA développés pourraient être intégrés aux offres Freebox et Free Mobile, renforçant l’écosystème local.

Capacités techniques et perspectives d’implémentation
Le déploiement d’Aion repose sur des spécifications techniques parmi les plus avancées du secteur, avec une attention particulière portée à l’efficacité énergétique.
Spécifications techniques de la gigafactory
Aion prévoit la mise en place de clusters équivalents à plus de 288 000 GPU Nvidia H100, pour une puissance totale de 200 MW. Le super-cluster sera interconnecté à 1,8 pétaoctet de stockage flash fourni par DDN, éliminant les goulets d’étranglement lors des phases d’entraînement massif.
Localisation et efficience énergétique
L’infrastructure sera hébergée en France, dans les datacenters d’OpCore situés en région parisienne. Les sites exploiteront des systèmes de refroidissement adiabatique et par immersion, limitant l’empreinte carbone. Le choix de la France s’appuie sur un mix énergétique à faible émission de CO₂ et sur la stabilité du réseau électrique national.
Feuille de route et scénarios futurs
L’appel à projets officiel se tiendra au quatrième trimestre 2025, suivi d’une sélection finale des cinq consortiums.
Damien Lucas, PDG de Scaleway, a affirmé : « L’Europe ne peut plus se permettre d’externaliser les fondations de son futur IA ».
Iliad se tient prête à ouvrir le projet à d’autres partenaires français, favorisant une mutualisation des ressources et un soutien public-privé durable. La prochaine étape consistera à déployer les premiers clusters opérationnels d’ici 2027, avec un plan d’expansion progressive sur l’ensemble du territoire européen.
















