Les grands modèles linguistiques (LLM) et le protocole de contexte de modèle (MCP) redéfinissent le paysage du voyage en ligne, contraignant les acteurs traditionnels à repenser leur visibilité et leurs revenus. Dès 2024, les plateformes ont constaté une chute de 30 % de leurs performances PPC sur Google dès l’apparition de Gemini AI, tandis que les premières agences adoptant le MCP enregistrent une hausse notable de réservations directes. Face à ces mutations, l’industrie doit choisir entre s’adapter rapidement ou perdre sa place sur le marché du tourisme numérique.
À retenir
- Le MCP devient une infrastructure incontournable pour les LLM afin d’accéder aux systèmes de réservation.
- Le modèle « pay‑per‑click » (PPC) perd de son efficacité, les commissions et frais de réservation gagnent du terrain.
- Les agents humains évoluent vers le rôle de « super agents », combinant expertise humaine et capacités IA.
- Les enjeux de confidentialité, de biais algorithmique et de sécurité des paiements restent majeurs.
- Les régulations européennes, notamment la directive ATOL, imposent des contraintes spécifiques aux solutions IA.
IA et LLM transforment la visibilité en ligne des acteurs du voyage
Les plateformes de réservation ont vu leurs stratégies de visibilité bouleversées par l’émergence des LLM couplés au protocole MCP.
LLM et protocole MCP, un levier pour la visibilité
Le MCP, présenté par Anthropic comme une « boîte à outils », permet aux modèles IA d’interroger directement les bases de données de disponibilité et les systèmes de paiement. Cette connexion ouvre la voie à des réponses instantanées et à des réservations en temps réel, éliminant le besoin de rediriger les utilisateurs vers des pages tierces. Les premiers partenaires, tels que Perplexity et Tripadvisor, ont intégré le protocole pour offrir des avis enrichis et des confirmations de réservation sans interruption. Les développeurs de LLM, dont OpenAI et Google, exigent désormais le support du MCP pour que leurs modèles puissent accéder à des flux de données externes fiables.
Baisse du PPC et montée des commissions
Depuis l’introduction de Gemini AI en début 2024, le coût moyen par clic (PPC) sur les moteurs de recherche a chuté de 30 % en six mois, selon les données de l’industrie. Cette réduction s’explique par la capacité des LLM à fournir des réponses précises en phase de recherche, rendant moins nécessaire le clic publicitaire. En contrepartie, les modèles IA favorisent des modèles de monétisation basés sur les commissions ou les frais de réservation, alignant les revenus sur la valeur ajoutée réelle. Les agences qui ont adopté le MCP profitent déjà d’une part de marché accrue, car elles peuvent proposer des réservations directes sans intermédiaires publicitaires.

Les nouveaux modèles de service : du merchant of record aux jumeaux numériques
Outre la visibilité, l’IA redéfinit la manière dont les transactions sont gérées et les expériences client sont orchestrées.
IA comme commerçant officiel et gestion des paiements
Des LLM tels que Perplexity envisagent de devenir le « merchant of record », c’est‑à‑dire le vendeur officiel qui prend en charge le paiement et la facturation. Cette fonction simplifie l’achat pour le client, à l’image du modèle d’Amazon, tout en réduisant les frictions liées aux étapes de paiement. La législation britannique autorise ce modèle pour les hébergements non réglementés, mais les voyages à forfait restent soumis à la directive ATOL, qui impose la protection des consommateurs. Pour contourner ces contraintes, certains acteurs IA se préparent à établir des partenariats avec des entreprises ATOL afin de garantir la conformité tout en conservant le contrôle du processus de paiement.
Jumeaux numériques et automatisation du parcours client
Les « jumeaux numériques » IA sont des agents virtuels capables d’analyser les préférences d’un voyageur, de comparer les offres et de pré‑sélectionner les meilleures options avant même que le client n’interagisse avec le site. Cette pré‑sélection repose sur l’analyse de plus de 72 sites et 23 heures de recherche moyenne effectuées par un voyageur classique. En déléguant cette étape à un jumeau numérique, les entreprises réduisent le temps de décision de plusieurs dizaines de minutes, augmentant ainsi la conversion. La rapidité d’exécution du MCP est cruciale, car elle permet aux IA de réaliser ces opérations en temps réel, même lorsqu’elles doivent interroger plusieurs fournisseurs simultanément.
Agents de voyage : vers une collaboration augmentée avec l’IA
Si l’automatisation prend le pas sur les tâches routinières, les agents humains conservent un rôle stratégique centré sur la valeur ajoutée du service.
Super agents et complémentarité homme‑IA
Les outils comme TripBuilder de Nezasa permettent aux agents de gagner en productivité, en automatisant les réservations standard tout en conservant le contrôle sur les dossiers complexes. Cette synergie crée les « super agents », capables de proposer des itinéraires personnalisés tout en exploitant la puissance analytique de l’IA. En 2025, plus de 40 % des consultants en voyage utilisent une couche d’IA générative pour affiner leurs recommandations, ce qui se traduit par une réduction moyenne de 15 % des coûts opérationnels. Les agents restent indispensables pour gérer les situations imprévues, comme les annulations de vol ou les restrictions sanitaires, où l’expérience humaine et la connaissance locale font la différence.
Limites de l’automatisation et valeur de la touche humaine
Les LLM fonctionnent mieux avec des préférences clairement exprimées et des itinéraires simples ; ils peinent à s’adapter aux changements de dernière minute ou aux exigences culturelles spécifiques. Un voyageur souhaitant découvrir des coutumes locales ou obtenir des conseils sur des restrictions de visa peut rapidement se heurter aux limites d’un assistant purement algorithmique. De plus, l’absence de transparence dans le raisonnement de l’IA (boîte noire) crée parfois une méfiance chez les clients qui préfèrent un interlocuteur humain pour valider les propositions. Ainsi, l’intervention humaine reste un facteur de différenciation, surtout pour les segments premium du marché du tourisme.

Enjeux éthiques et sécuritaires d’une adoption massive
Le déploiement à grande échelle de l’IA dans le tourisme soulève des questions cruciales de confidentialité, de biais et de responsabilité.
Confidentialité des données et risques de piratage
Les systèmes d’IA collectent des informations sensibles telles que l’historique de réservation, la localisation, les préférences et les détails de paiement. Cette concentration de données expose les utilisateurs à des risques de violation si les serveurs MCP ne sont pas correctement sécurisés. Les solutions de paiement intègrent des couches de protection comme Google Pay, mais la sécurité du protocole MCP face aux intrusions dans les systèmes de réservation demeure une préoccupation majeure. En Europe, le RGPD impose des obligations strictes sur le consentement et la traçabilité des données, obligeant les fournisseurs IA à mettre en place des mécanismes de conformité robustes.
Biais algorithmique et transparence des décisions
Les algorithmes s’appuient largement sur les avis utilisateurs, qui peuvent être manipulés ou refléter des préférences de groupes spécifiques, entraînant un biais dans les recommandations. Ce phénomène peut conduire à des inégalités d’accès aux meilleures offres ou à des prix différenciés selon le profil du voyageur. L’opacité du processus décisionnel rend difficile la remise en cause des suggestions proposées par l’IA, ce qui peut miner la confiance des consommateurs. Des initiatives européennes visent à instaurer des exigences de transparence, notamment l’obligation de fournir une explication compréhensible de chaque recommandation.
Impact sur l’emploi et durabilité énergétique
L’automatisation des tâches répétitives entraîne un déplacement d’emplois au sein du secteur des agences de voyage, surtout pour les fonctions de saisie et de suivi des réservations. Cependant, la création de postes spécialisés autour de l’intégration du MCP, du développement d’API et de la supervision des systèmes IA compense partiellement ces pertes. Par ailleurs, la consommation énergétique des grands modèles linguistiques, qui nécessitent des centaines de kilowattheures par jour, soulève des inquiétudes environnementales. Les entreprises commencent à explorer des solutions d’efficacité énergétique, comme le recours à des data‑centers alimentés par des sources renouvelables, afin de limiter l’empreinte carbone de leurs services IA.
















