L’IA au cœur de la doctrine du combat futur français

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France mise sur l’IA souveraine pour dominer les batailles 2040
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Le Général de Corps d’Armée Bruno Baratz a placé l’intelligence artificielle (IA) au centre de la nouvelle doctrine du Commandement du Combat Futur (CCF), soulignant son rôle indispensable pour préparer et conduire les batailles à l’horizon 2040. Cette orientation s’inscrit dans la stratégie nationale visant à garantir une IA souveraine pour la défense, avec la création de l’Agence Ministérielle pour l’Intelligence Artificielle de Défense (AMIAD) et le déploiement imminent du supercalculateur le plus puissant d’Europe. L’article analyse les implications de ces décisions sur l’innovation militaire, l’efficacité opérationnelle et la souveraineté technologique de la France.


À retenir

  • L’IA devient incontournable dans la doctrine du CCF, tant pour la planification que pour la conduite des combats.
  • La France investit 300 M € annuels dans l’AMIAD et 2 Mrd € au total dans l’IA de défense (2024‑2030).
  • Un supercalculateur classifié, opérationnel fin 2025 à Mont‑Valérien, renforcera le traitement des données « secret défense ».
  • Le partenariat franco‑britannique prévoit un second supercalculateur alimenté par l’énergie nucléaire, coûtant 10,3 Md $ ≈ 8,9 Md €.
  • Le CCF vise le déploiement de robots de combat d’ici 2040, avec une première génération prévue pour 2028.

IA au cœur de la doctrine de combat future

Le Commandement du Combat Futur (CCF) place l’IA au centre de sa doctrine, la décrivant comme incontournable pour la préparation et la conduite des batailles.

IA : incontournable pour la préparation et la conduite des batailles

Le Général de Corps d’Armée Bruno Baratz a affirmé que les systèmes d’IA permettent d’analyser en temps réel les champs de bataille, d’anticiper les mouvements ennemis et d’optimiser les décisions de commandement. Cette capacité d’analyse s’appuie sur des algorithmes de calcul symbolique, qui traduisent les données brutes en connaissances exploitables. Depuis le conflit en Ukraine, les forces armées ont observé que les armes autonomes réduisent les délais de réaction, notamment dans les systèmes de défense anti‑missiles où chaque milliseconde compte. L’IA améliore également la transparence et la proportionnalité des actions, facilitant le respect du droit international humanitaire.

Évolution et autonomie des systèmes d’IA en milieu militaire

Le passage de l’IA symbolique à l’IA connexionniste, inspirée des réseaux neuronaux, a accéléré le développement d’armes à autonomie croissante. Les systèmes connexionnistes apprennent de leurs expériences, ce qui les rend plus adaptatifs face à des environnements imprévisibles. Malgré ces avancées, les machines ne sont pas encore capables de pensée autonome ; elles exécutent des comportements programmés avec des taux de succès variables. Les décisions stratégiques, la volonté de victoire et l’engagement des hostilités restent des responsabilités humaines, même si les robots peuvent frapper des cibles avec une précision accrue.

Le rôle indispensable de l’humain dans la guerre de l’IA

Les experts insistent sur le fait que, même avec des systèmes très autonomes, la présence de soldats au sol demeure indispensable pour contrôler les espaces géographiques et afficher la détermination nationale. L’IA agit comme un levier qui renforce la létalité, la protection des forces et la transparence des actions, mais elle ne remplace pas le jugement humain. Le Comité d’éthique de la défense a souligné que l’IA peut aider à distinguer combattants et non‑combattants, limitant ainsi les risques de dommages collatéraux. En résumé, l’IA augmente l’efficacité opérationnelle tout en maintenant le contrôle humain sur les choix critiques.

Stratégie française pour une IA de défense souveraine

Face aux risques de dépendance technologique, la France a mis en place une stratégie nationale articulée autour de trois volets de l’IA de défense, soutenue par l’AMIAD.

Les trois volets de l’IA de défense nationale

La stratégie nationale distingue l’IA des opérations (optimisation de la compréhension, de l’anticipation et de la prise de décision), l’IA embarquée (combat collaboratif, circulation d’informations en temps réel entre combattants interconnectés) et l’IA organique (gestion administrative, RH, finances, santé). L’IA embarquée permet aux unités de terrain de partager instantanément des données tactiques, améliorant la connectivité et la réactivité. L’IA organique, quant à elle, applique les mêmes algorithmes que dans le secteur civil pour rationaliser la logistique, le recrutement et la maintenance des infrastructures.

L’Agence Ministérielle pour l’IA de défense (AMIAD) : missions et moyens

L’AMIAD, créée le 1er mai 2024, a pour mission d’équiper les forces de solutions d’IA, de transformer les expérimentations en capacités concrètes et de garantir le contrôle souverain des technologies. Son directeur, Bertrand Rondepierre, supervise un effectif prévu de 300 personnes d’ici fin 2026, avec l’objectif d’atteindre 800 spécialistes de l’IA au sein du ministère. Le budget annuel de l’agence s’élève à 300 M €, intégré dans le budget global de 2 Mrd € dédié à l’IA de défense (LPM 2024‑2030), dont 130 M € ont été alloués en 2024.

Investissements et technologies clés : supercalculateur et quantique

En 2025, la France disposera du supercalculateur le plus puissant d’Europe, dédié à l’IA de défense et installé au Mont‑Valérien, Suresnes, avec une mise en service prévue fin 2025. Ce serveur traite des données classifiées « secret défense » dans un environnement totalement isolé d’Internet, maintenu par des techniciens français habilités. Un consortium Hewlett PackardOrange fournit l’infrastructure, tandis qu’un partenariat avec Fluidstack et le gouvernement français, signé en février 2025, prévoit un second supercalculateur alimenté par l’énergie nucléaire. L’investissement de 10,3 Md $ équivaut à environ 8,9 Md € et devrait être opérationnel en 2026, faisant de la France un hub mondial de l’IA. Par ailleurs, le pays se prépare à l’arrivée de l’informatique quantique, qui devrait multiplier par 10 la puissance de calcul disponible pour les algorithmes d’IA.

Commandement du combat futur : innovation opérationnelle

Le CCF, créé le 19 juin 2024, agit comme le catalyseur de l’innovation militaire, intégrant robotique, IA et nouvelles doctrines pour préparer les forces terrestres aux conflits de demain.

Création et missions du CCF

Le CCF a été officiellement instauré le 1er août 2023 et placé sous la direction du Général d’armée Pierre Schill, avec le GCA Bruno Baratz comme premier chef. Sa mission consiste à capter rapidement les innovations, les tester, les formaliser et faciliter leur adoption par les soldats. Le commandement regroupe des entités existantes telles que le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement (CDEC), la Section technique de l’armée de terre (STAT) et la Force d’expertise du combat Scorpion (FECS), implantées respectivement à l’École Militaire, Satory et Mailly‑le‑Camp.

Intégration de la robotique dans les forces terrestres

Le GCA Bruno Baratz a annoncé que les premiers robots terrestres, capables de franchir obstacles et d’éviter les pièges, seront opérationnels d’ici 2028, avec un objectif de déploiement complet pour 2040. Ces plateformes robotisées, équipées de jambes, chenilles ou roues, sont destinées à la surveillance, aux réparations à distance et au déminage. Le Général Tony Maffeis, chef de la branche technique, souligne que l’efficacité des robots doit être démontrée sur le terrain avant d’être généralisée. L’IA est déjà intégrée dans le système de combat collaboratif Scorpion et ses futures extensions, comme le projet Titan 2040, qui vise à coordonner des essaims de drones et des véhicules autonomes.

Adaptation au nouveau contexte stratégique mondial

Le CCF s’inscrit dans le cadre de la réforme de l’armée de terre amorcée en 2022, en réponse à l’accélération de l’évolution du champ de bataille et aux leçons tirées de la guerre en Ukraine. Le plan ATHENA, porté par le CCF, vise à accélérer la transformation en favorisant l’innovation, la prospective et le retour d’expérience. Parmi les projets phares figurent le système anti‑drone PROTEUS, la coordination d’essaims de drones Icarus et le programme CAPSTONE 5, qui développent des capacités d’analyse acoustique sous‑maritime et de détection de deepfakes. Ces initiatives illustrent la volonté de la France de rester à la pointe de la technologie militaire tout en préservant sa souveraineté technologique.


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